Celle qui ne voulait pas payer de reste à charge

Le changement (de carrière), c’est maintenant !

Erika est une jeune femme de 33 ans, qui rêve de changer de carrière.

Depuis des années, elle travaille comme assistante administrative dans une petite entreprise en proche banlieue de Paris. Lasse, elle estime avoir fait le tour de son métier. La paie n’est pas excellente, les missions redondantes, le challenge limité. Bref, elle n’apprend plus et elle ressent un profond désir de changement. Et elle a la certitude que cela se passera ailleurs, les perspectives étant limitées ici…

Depuis quelque temps, elle pense évoluer vers la gestion de projet. Organisation, planification, communication : elle se sent déjà de bonnes bases pour évoluer sur ce type de missions. Mais elle a besoin de se professionnaliser sur le sujet, très clairement. Et pour elle, ça passe par la formation.

Problème : elle n’a pas un radis !

Heureusement, comme quasiment tous les Français, elle a entendu parler du CPF : difficile d’y échapper après s’être faite démarcher 17 fois !
Quant à savoir comment le mobiliser…

Le CPF : un parcours semé d’embûches

« OK, ça s’annonce compliqué… »

Alors qu’elle pensait qu’il suffirait de moins de 2 minutes pour accéder à son compte formation, Erika se confronte au premier obstacle : la création de son identité numérique !
Après 15 minutes à alterner entre sa carte d’identité, son téléphone portable, son adresse mail et sa caméra : ça y est !
Elle accède alors à son solde CPF : 5.000 euros.

« Jackpot ! » pense-t-elle.

Vient ensuite le temps des recherches sur le moteur de recherche, et là, c’est le drame !
339 résultats rien que pour une formation en gestion de projets.
Et encore, c’était uniquement pour les offres à distance ! Elle se dit que ça ne va pas être de la tarte de trouver ce qu’elle cherche…

Recherche MCF -mai 2024

Un reste à charge ?

Elle affine sa recherche avec ses critères : une formation de plusieurs semaines pouvant être suivie majoritairement en asynchrone et ne dépassant pas son budget CPF. Le nombre de réponses se restreint. Une fois prises les informations sur les différentes formations, elle contacte l’organisme qui lui semble le plus adapté.

Au téléphone, elle est complètement rassurée sur la qualité du parcours et les débouchés.
Vient le Hic. De l’autre côté, la conseillère lui annonce :

« Par contre, je dois vous avertir qu’il vous restera quand même 100 euros à votre charge. »

Erika réagit :

« Euh… Comment ça ? J’ai bien assez sur mon compteur CPF, non ?

– Oui, oui, là n’est pas le problème. C’est simplement que depuis le 1ᵉʳ mai dernier, vous devez vous acquitter de cette somme pour mobiliser votre CPF.

Alors ça… »

Erika déchante un peu.
100 euros, ce n’est pas la mer à boire, surtout pour faire évoluer sa carrière, mais c’est quand même une somme, surtout quand on n’a pas beaucoup de réserve. Et puis c’est symbolique : « Pourquoi payer en plus de droits que j’ai acquis ? »
Elle se lance alors une mission : elle se formera sans rien payer de sa poche !

Les options légales

Très vite, elle se rend compte que ça va être compliqué.
Il y a bien des personnes qui peuvent y échapper. Problème : elle ne fait pas partie des exceptions.
Ni demandeuse d’emploi, ni détentrice d’un compte de pénibilité qui lui ferait éviter le paiement du reste à charge. Elle a également regardé du côté de l’OPCO de son employeur. Rien n’est prévu sur le sujet.
Quant à demander à son employeur de financer une petite partie, il n’en est pas question. Elle ne veut pas qu’il soit au courant, et d’ailleurs, elle est certaine qu’il refuserait.

Alors que faire d’autre ?

On lui a conseillé de regarder du côté d’une autre dispositif : le projet de transition professionnel (PTP). Celui-ci pourrait théoriquement financer intégralement sa formation, moyennent la remise à zéro de son compteur CPF. Mais elle est très vite refroidie par plusieurs freins :

L’incertitude de l’accord de financement
La lourdeur du dossier administratif
La nécessité d’obtenir un accord de son employeur
Le délai de réponse

Elle se dit que ça n’en vaut pas le coup, alors elle tente d’être un peu imaginative.

Elle a alors une autre idée  : une cagnotte en ligne pour financer son reste à charge en décrivant son projet.
Sur un site de financement participatif, elle poste une photo d’elle, l’air victorieux, soulevant un hypothétique certificat, est censée incarner son désir de réussite (merci Photoshop).
Malheureusement, une semaine après, la cagnotte n’a pas décollé et affiche un score peu mémorable de 10 euros.
Merci Maman…

L’illégalité : la clé ?

En trainant sur Facebook, elle tombe sur plusieurs annonces qui l’intrigue. Plusieurs prétendus organismes de formation proposent de rembourser les 100 euros en liquide ou en chèque-cadeaux de manière à annuler les conséquences du reste à charge.
Ça semble malin sur le papier. Malheureusement, ces organismes ne proposent pas du tout ce qu’elle cherche.

Sur certains groupes Télégram, d’autres organismes proposent une tablette en échange de l’inscription du stagiaire à une formation.

« Mouais, déjà que le contenu n’a pas l’air hyper qualitatif… »
Erika abandonne très vite ces pistes.

Elle contacte à nouveau son premier choix en lui demandant s’ils ont prévu une compensation pour les personnes qui doivent payer ces 100 euros. Là, elle tombe sur un mur :

« Nous ne sommes absolument pas autorisés à rembourser ces 100 €.  Nous risquons des poursuites judiciaires et si vous acceptez vous pouvez également être sanctionnée. »

L’organisme de formation lui fait parvenir le message de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l’organisme qui gère le CPF :

Il est strictement interdit pour les organismes de formation de rembourser la participation financière obligatoire de 100 €. Cette directive claire cherche à maintenir l’intégrité du système de financement des formations et à prévenir les pratiques abusives qui pourraient compromettre l’objectif de participation financière des bénéficiaires.

En cas de non-respect de cette interdiction, les conséquences sont sévères. Les organismes de formation risquent des poursuites judiciaires, qui peuvent entraîner des sanctions financières et des dommages à leur réputation. De plus, les titulaires du CPF qui accepteraient un remboursement non conforme s’exposent également à des risques légaux. Cette mise en garde vise à protéger à la fois les intérêts des stagiaires et l’intégrité du système de formation professionnelle financé par le CPF.

Il est donc crucial pour tous les acteurs impliqués de se conformer scrupuleusement à ces directives pour assurer une gestion transparente et équitable des fonds alloués à la formation professionnelle. Les organismes de formation doivent agir en toute responsabilité, conscients des implications légales de leurs actions, pour soutenir efficacement le développement professionnel des individus dans le cadre légal établi.

Ce message est également très clair sur la FAQ de MCF (voir ci-dessous).

Paradoxalement, ce refus de céder à l’illégalité la rassure sur le sérieux de l’organisme.

Elle tente tout de même une dernière approche :

« Et si vous me faisiez une réduction de 100 euros ?
– Ça ne changerait absolument rien. Peu importe le prix de la formation. Même si je la baissais à 100  euros, ce que je ne ferai pas, vous devriez quand même payer 100 euros. »

Elle se sent prête à s’engager.
Non sans avoir demandé à nouveau des preuves sur l’employabilité à la suite de la formation : salaire, statut, taux d’emploi…
Quitte à payer, autant être sûre…

1 an plus tard

Nous sommes en 2025.
Beaucoup de changements ont eu lieu dans la vie d’Erika.
Cette histoire des 100 euros n’est déjà plus qu’un lointain souvenir.
Elle a obtenu sa certification, trouvé un nouveau travail en rapport avec sa formation et surtout repris confiance en ses capacités.

Avec le recul, elle rigole de tout ce qu’elle a mis en œuvre pour éviter de payer cette somme, et elle confie volontiers :

« Cette période m’a permis de me rendre compte que j’avais vraiment besoin de cette formation. Au final, ce sont sans doute les 100 euros les mieux investis de ma vie. »

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