Le jardinier de la formation
“Un café avec”, c’est votre nouveau rendez-vous mensuel sur Digiformag ! L’idée est simple : partir à la rencontre de celles et ceux qui font la formation d’aujourd’hui et de demain.
Ils ou elles sont formateurs, chercheurs, dirigeants, leaders politiques ou experts de la réglementation. Nous les avons choisis pour leur voix qui porte et qui est riche d’enseignements pour la communauté de la formation. “Un café avec” ce sont des histoires de vie captivantes et des apprentissages détonants. Bonne lecture !
Pour ce premier portrait, on commence avec une figure lyonnaise bien connue du microcosme de l’éducation et de la formation : Thierry Picq.
Passé un moment avec lui, c’est avant tout rencontrer un sourire et un regard, qui n’est pas sans rappeler un certain Jean d’Ormesson. Du haut de sa soixantaine bien portée, il dégage une expression pleine de vitalité, presque enfantine. Et, quand on l’écoute, on comprend d’où vient cette impression : Thierry est curieux de tout. Thierry est un grand gamin. C’est un assoiffé de rencontre et d’expérience. Je sais, à me lire on a l’impression que je suis sous le charme. Mais, force est de constater qu’il est complexe de ne pas l’apprécier. Au-delà de mon coup de foudre professionnel que m’a appris cette rencontre autour d’un café avec l’ancien directeur académique et de l’innovation de l’emlyon, qui est-il ?
De l’amphi de l’emlyon aux arènes du sport
Hyperactif dans la vraie vie comme sur LinkedIn, vous pouvez le croiser sur les bancs de l’emlyon, la prestigieuse école de management qu’il a co-dirigé pendant plusieurs années, ou encore à Confluence, plus précisément à l’orangerie, un tiers lieu innovant qui héberge en son sein Act4 Talents, la société à mission qu’il a cofondé.
Vous pouvez aussi le croiser au bord des terrains de basket (l’ASVEL Lyon notamment) ou de hand-ball, et plus globalement dans beaucoup d’évènements sportifs, où il joue tour à tour le rôle d’entremetteur, de communicant ou d’instigateur de projet.
Vous pouvez aussi le croiser en learning expedition à l’autre bout du monde, lorsqu’il accompagne des dirigeants en quête d’innovations. Il est aussi présent en librairie à travers son ouvrage “L’art de la performance” où il part littéralement explorer ce qui fait l’excellence des virtuoses de la musique, mais aussi des forces spéciales, des sportifs de haut niveau, des explorateurs et des grands chefs.
Vous l’aurez compris, on commence presque à croire que l’homme a le don d’ubiquité tant il est multi casquettes. Une sorte de slasher de l’extrême. Mais alors comment fait-il ? La réponse jaillit naturellement et en toute humilité, sans même lui poser la question : “Je suis présent partout sans y être de façon complète. Je suis à la fois dedans et dehors.”
Une réponse digne d’un maître Yoda face à l’apprenti Jedi que je suis. Plus notre échange avance, plus ma tasse de café se vide, et plus je commence à saisir la singularité du personnage : Thierry, c’est l’antithèse de l’expert. Son expertise tient justement à sa capacité à relier différents univers. Celui de la formation. Celui du sport. Celui de l’art. Celui des entreprises et du management. Avec l’objectif de révéler et de promouvoir tous les acteurs qui font bouger les lignes et inventent le monde de demain, dans tous les domaines. Comme il le dit lui-même, il est un “passeur entre plusieurs mondes.” Je commence à mieux comprendre pourquoi il connaît (presque) tout le monde.
Architecte de la performance des autres
Mais alors pourquoi tout ce beau monde demande ses conseils ?
La réponse tient en un mot : hybridation.
A l’instar d’un biologiste qui va croiser deux variétés d’une même espèce pour arriver à une troisième, notre professeur d’emlyon met en relation des mondes différents en créant les conditions propices à l’éclosion d’un nouveau concept, d’un nouveau projet ou d’une nouvelle méthode. Comme il le dit lui-même “on ne fait pas pousser une fleur en tirant sur sa tige.” Tout vient donc de la création d’un contexte et d’un terreau favorable à la transmission, à l’inspiration et à l’éclosion des projets. Il est un peu jardinier, notre Thierry Picq.
Son quotidien, c’est de mettre plusieurs personnes en capacité de faire autrement en créant des situations apprenantes, avec des mises en scènes soignées et des méthodes d’apprentissages propices.
Il a été, à titre d’exemple, l’un des premiers à expérimenter l’usage des réseaux sociaux dans la salle de cours, ou encore des méthodologies de classe inversée, d’apprentissage entre pairs ou par l’expérience, dès la fin des années 1990.
La création d’un espace d’innovation iconique, le Silex, est l’un de ses accomplissements. L’innovation sur les espaces de travail et d’apprentissage développée dans ce laboratoire de 1 000 m² (un des lieux les plus visités de Lyon pendant près de 2 ans) a permis de poser les concepts de base du nouveau campus d’emlyon (30 000 m² à Gerland).
Une autre de ses fiertés est, sans nul doute, de pouvoir étudier depuis l’intérieur, les ressorts de la très haute performance, et notamment celle des sportifs. J’apprends d’ailleurs, au détour d’une digression, que son prochain ouvrage “Au cœur des champions” sortira au printemps 2024, juste avant les JO de Paris. Il est parti à la rencontre des champions français pour savoir ce qui a conduit à leur performance. Comment s’entrainer, comment se former, avec quel écosystème ? Avec une double préface de la ministre des sports et de Tony Parker svp. Pourquoi ce livre ? Pour donner des clés de compréhension de l’excellence transposée à des contextes plus classiques et valoriser et diffuser des histoires inspirantes. La transmission, encore et toujours.
Un chercheur qui sait parler aux entreprises
C’est un secret de polichinelle, les grandes écoles de management françaises ont un modèle économique fragile, basé sur un auto-financement et un fort investissement dans la recherche. La grande école de commerce Lyonnaise a subi ces dernières années, plusieurs changements de direction et a changé de statut juridique et d’actionnaires. Mais là encore, Thierry Picq, tel un chat qui retombe toujours sur ses pattes, à réinventer son rôle au sein de cette nouvelle organisation. Comprendre que son statut d’enseignant chercheur de niveau 2 (le plus haut niveau possible) lui offre une liberté d’action importante. Il utilise cette liberté pour parler aux entreprises, notamment lors de conférences, souvent sur le thème de la performance, sa marotte à lui. Il parle de performance et d’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. Ou comment faire (très) bien sans y laisser (trop) de plumes. Des thématiques plus que jamais d’actualité, notamment avec l’arrivée sur le marché du travail de la génération Z. Son conseil ? Il reprend les mots de Claude Onesta, ancien entraîneur de l’équipe de France de handball : “savoir faire des choses simples mais à la perfection.” Facile à dire me direz-vous !
On pourrait dire beaucoup de choses sur Thierry Picq, mais j’en retiens surtout une : il est résolument moderne. Son approche de la formation, qu’il veut ouverte sur le monde, résolument disruptive quand on parle de pédagogie, nous dit quelque chose du monde de demain. L’apprentissage en silo ? Terminé. Les formations purement descendantes ? Terminé. La posture d’expert ? Terminé. La paroi étanche entre le monde universitaire et l’écosystème business ? Explosée. Et, c’est bien avec cette esprit de pionnier qu’il aborde les différents projets. J’allais dire qu’il travaille. Mais n’allez pas lui dire ça, et n’allez pas lui parler de retraite, tant il considère ses activités, aussi nombreuses que prenantes, comme des passions. Victor Hugo écrivait dans les Misérables “Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.” Thierry Picq, lui, est assurément un bon jardinier.
Dates clés
1963 : Naissance à Paris
2009- 2014 : Doyen associé à l’innovation pédagogique à emlyon
2010-2019 : Président du comité d’orientation de l‘école de l’Air de Salon de Provence
2014-2017 : Directeur académique (en charge de la faculté et de tous les programmes diplômant) à emlyon
2017-2020 : Directeur de l’innovation et créateur du Silex
2020 : Co-création de Act4 Talents
2021 Publication du livre « l’art de la performance »
Apprentissages clés
Identifier les points fort de votre organisation et en faire des axes d’excellences
Lutter contre les dogmes, les normes et les habitudes
Contextualiser l’apprentissage
Miser sur les innovations pédagogiques
Travailler votre posture, votre capacité à apprendre
Cultiver sa curiosité, sa capacité d’émerveillement et de découverte
L’humain d’abord, au centre de tout : des apprentissages, de la relation, du travail et de la vie…
Citations favorites
Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne mais dans la façon de la gravir
Dans la vie, il ne faut pas s’en faire. Personne n’en est jamais sorti vivant !
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