Il était attendu depuis plusieurs mois et annoncé d’ici à la fin d’année.
La loi de finances 2023 et la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 avaient ouvert la voie, souhaitant mieux encadrer la sous-traitance dans le cadre du CPF. Un projet de décret avait même été communiqué en juillet dernier.
Si certains ont pu craindre dans un premier temps, qu’on demanderait à tous les sous-traitants de détenir la certification Qualiopi, le décret n°2023-1350 du 28 décembre 2023 vient apporter plus de nuance et de précisions sur ces obligations.
Précision utile, ce décret ne se limite pas qu’à la sous-traitance dans le cadre du CPF. Il porte également diverses mesures relatives à Mon compte formation, ainsi qu’au bilan de compétences et vise à lutter contre la fraude à ce compte et à interdire le démarchage de ses titulaires.
Si la plupart des dispositions du décret sont applicables dès à présent, ce qui relève de la sous-traitance ne sera exigible qu’à partir du 1ᵉʳ avril 2024.
Voici un résumé des principales nouveautés.
Concernant la sous-traitance dans le cadre du CPF
Pour le donneur d’ordre
Clarification du contrat de sous-traitance ou de prestation de service
Pour garantir la transparence dans ces relations professionnelles, le contrat réalisé entre le donneur d’ordre et le sous-traitant doit être clair et précis et comporter des éléments clés :
l’intitulé de la prestation ;
son objectif global ainsi que le contenu détaillé des actions à réaliser par le sous-traitant. Cela permet d’éviter toute ambiguïté sur les tâches qui lui sont attribuées ;
les moyens utilisés : afin de bien définir les ressources et les moyens que le sous-traitant pourra mobiliser pour mener à bien sa mission ;
la durée et période de réalisation ;
les modalités de suivi, de justification, d’évaluation et de sanction de la prestation ;
le prix et les modalités de paiement : les aspects financiers sont essentiels dans tout contrat. Ainsi, le montant de la prestation, les échéances de paiement ainsi que les modalités de facturation doivent être clairement établis.
Ces éléments n’ont en soi rien de révolutionnaires, mais ils permettent de donner une base commune à ce qui pourrait être exigé en cas de contrôle de ces éléments.
Plafond de sous-traitance
Le donneur d’ordre devra respecter un plafond de missions confiées à la sous-traitance. Ce montant est exprimé en % de CA réalisé sur Mon compte formation (MCF). Ce niveau qui sera défini ultérieurement par un arrêté pourrait être une vraie révolution pour les donneurs d’ordre !
En effet, cela pourrait impliquer d’internaliser une partie de l’exécution des prestations alors que le modèle économique dominant est celui d’un recours quasi systématique à la sous-traitance, notamment pour les gros acteurs de l’écosystème.
Respect des obligations du sous-traitant
Quand on parle d’obligation pour le sous-traitant, cela implique en miroir, un contrôle par le donneur d’ordre. Ainsi, celui-ci devra également s’assurer que le sous-traitant remplit bien les obligations mentionnées à l’article L 6323-9-1 du Code du travail.
Il lui revient donc de vérifier l’existence d’un numéro de déclaration d’activité, la possession de la certification Qualiopi (dans les cas qui l’exigent) ou encore le non-déréférencement de son sous-traitant sur MCF (voir ci-dessous).
Concernant le sous-traitant
Un cas de dispense de Qualiopi
L’exigence de Qualiopi devient la norme pour le sous-traitant.
Toutefois, une exception est prévue pour : les personnes physiques agissant en tant que sous-traitants affiliés à un régime micro-social et ne dépassant pas un chiffre d’affaires annuel de 77 700€ (montant réévalué chaque année : article 50-0 du code général des impôts).
À savoir : le régime micro-social comprend les personnes physiques dirigeant une micro-entreprise, une entreprise individuelle (EI), ou une EURL avec option IR, immatriculée, et un travailleur non-salarié, sous un régime micro-social, soumis au régime fiscal de droit commun du micro-entrepreneur et un seuil de CA (source : cci.fr).
Une obligation d’être soi-même habilité
Les sous-traitants devront bénéficier d’une habilitation à former pour les certifications sur lesquelles ils interviennent sauf :
s’ils dépendent du régime micro social avec un CA < 77 7000 euros
s’ils n’interviennent que sur une partie du parcours de formation ET que l’intervention ne couvre pas un bloc de compétences (dans le cadre du RNCP)
Ces exceptions limitent donc fortement la portée de l’obligation de Qualiopi et de l’habilitation. Elle pourrait également entraîner une vague de changement de régime social d’entreprise pour un certain nombre de sous-traitants.
Interdiction de la sous-traitance en cascade
Afin de préserver la qualité des prestations et d’éviter les pratiques abusives, la sous-traitance en cascade est interdite. En clair, le sous-traitant ne peut pas à son tour sous-traiter l’action qui lui a été confiée.
Cette disposition est clairement énoncée dans les conditions particulières de MCF depuis sa création en 2019. L’article 3 de ces conditions spécifie que l’organisme de formation doit prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire à son sous-traitant de recourir lui-même à la sous-traitance.
Cette mesure doit permettre d’éviter la dilution de la responsabilité des différents intervenants et les risques sur la qualité de la prestation délivrée.
Interdiction de sous-traitance en cas de déréférencement
Un prestataire ne peut pas être sous-traitant dans le cadre d’une prestation financée par le CPF s’il est déréférencé de MCF.
Cela vise spécifiquement les organismes qui tenteraient de contourner le déréférencement par une voie détournée.
En effet, au cours des derniers mois, plusieurs systèmes de ce type, avec des organismes certificateurs « écran », ont été identifiés, faisant peser un risque de non-qualité des prestations délivrées.
Concernant les autres dispositions du décret
Pour le bilan de compétences
La durée de conservation de la synthèse délivrée à l’issue du bilan de compétences est allongée de 1 à 3 ans pour permettre une uniformisation par rapport aux autres documents administratifs à conserver en cas de contrôle.
Pour les conditions de référencement sur Mon compte formation
La liste des pièces justificatives à fournir pour être référencé renvoie aux CGU de Mon compte formation.
Le déréférencement d’un prestataire de la plateforme peut être porté à un an maximum en cas de manquement grave à ses engagements et portant atteinte à l’intérêt public.
La suspension de paiement sur la même plateforme est portée à 6 mois maximum pour des manquements similaires.
En conclusion
Le décret ne comporte pas de réelles surprises par rapport au projet de juillet dernier.
Et si sa portée n’est limitée qu’au dispositif du CPF, elle va impliquer des choix à court-terme pour les donneurs d’ordre et sous-traitants concernés :
Changement de modèle économique et salarisation pour les premiers (même si le % maximum d’actions sous-traitées n’est pas encore défini, et n’est peut-être pas pressé de l’être).
Démarche de certification Qualiopi ou changement de structures pour les seconds, qui seraient concernés par l’obligation. La rentrée 2024 risque donc d’être fortement mouvementée !
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