Intégrer les personnes en situation de handicap dans la formation professionnelle est un enjeu clé en 2025. La pédagogie inclusive va bien au-delà d’une obligation légale : c’est une question d’éthique et un moyen de faire avancer la société !
En 2023, d’après le rapport de l’Agefiph, seulement 1,4 % des contrats d’apprentissage et 2,5 % des contrats de professionnalisation concernent des travailleurs handicapés, alors qu’ils représentent 7,1 % de la population active.
Le décret n° 2006-26 du 9 janvier 2006 sur la formation des personnes en situation de handicap fixe des principes de non-discrimination et d’accessibilité à la formation. Il précise que les organismes de formation doivent « tenir compte des besoins particuliers » des personnes handicapées en adaptant les formations.
Ce n’est pas uniquement question d’accès aux lieux, ce qui est requis pour tout établissement recevant du public (ERP). Il faut aussi changer les méthodes et les contenus pour donner des opportunités égales aux personnes en situation de handicap. Mais comment faire, concrètement, pour mettre en place une pédagogie inclusive ? Voici quelques idées.
Quelques rappels sur les obligations des organismes de formation
En France, les centres de formation doivent suivre des règles pour rendre leurs lieux accessibles et adapter leurs méthodes pour les personnes handicapées. Ces règles émanent de la loi du 11 février 2005 qui vise à garantir l’égalité pour les personnes en situation de handicap.
La loi du 5 septembre 2018 a par ailleurs introduit la certification Qualiopi, pour les organismes de formation, qui impose des normes de qualité concernant les besoins des personnes handicapées.
Les centres de formation doivent donc :
accueillir les personnes handicapées sans discrimination ;
garantir des droits égaux pour l’accès à la formation et la qualification.
Et cela implique :
D’assurer l’accessibilité pédagogique des formations en préparant l’accueil des personnes handicapées dès le départ.
De développer les compétences des équipes pour aider à compenser les handicaps durant la formation.
D’assurer l’accessibilité des locaux sous peine de sanctions.
La loi a aussi introduit des référents handicap dans les centres de formation des apprentis.
Au-delà des contraintes légales, un enseignement inclusif aide à éliminer beaucoup de barrières pour les élèves avec des handicaps. Environ 80 % des handicaps ne se voient pas, ce qui rend la modification des techniques d’enseignement aussi importante que celle des bâtiments !
Qu’est-ce que la pédagogie inclusive ?
C’est une forme de pédagogie différenciée. Une formation qui met l’apprenant au centre. Cela permet de personnaliser les modes d’apprentissage et de varier les méthodes d’évaluation, en tenant compte des différents freins qui peuvent concerner les personnes, porteuses ou non de handicap.
Considérons la Conception Universelle de l’Apprentissage (CUA). C’est une méthode d’enseignement adaptable qui considère les différents besoins des élèves pour garantir un accès juste à l’éducation. Elle aide à diminuer les facteurs dans l’environnement qui peuvent créer des barrières cognitives, émotionnelles ou liées à la motricité, dans l’apprentissage. Mais comment débuter ?
Il y a trois leviers principaux. Voyons lesquels.
Levier n°1 : proposer plusieurs moyens de présenter les savoirs
La diversité des formats répond à la diversité des styles d’apprentissage.
Parmi les bonnes pratiques, on pensera par exemple à :
proposer des ressources qui traitent d’un même sujet en différents formats (texte, image, vidéo) ;
éviter les phrases complexes ou trop chargées, et définir les termes compliqués ;
privilégier les représentations visuelles qui tiennent compte de la diversité des apprenants ;
s’assurer de la lisibilité des textes (police, taille, espacement, contraste de couleurs) ;
mettre en valeur les éléments importants (liste à puces, gras, italique, couleur) ;
ajouter des éléments visuels en complément du texte (icône, schéma, image).
prévoir un glossaire, des sous-titres, des traductions, des transcriptions.
Levier n°2 : favoriser l’engagement de tous les apprenants via une pédagogie plus inclusive
Pour favoriser l’engagement de tous les apprenants, il est aussi essentiel d’adapter les méthodes pédagogiques. Cela passe, par exemple, par des actions telles que :
diversifier et alterner les activités d’apprentissage ;
varier les modes de regroupements et la composition des équipes de travail ;
clarifier les attentes de plusieurs façons et à différents moments ;
mesurer fréquemment la compréhension ;
recourir à des mises en situation, des exemples et des faits d’actualité dans lesquels la diversité est représentée ;
animer des discussions qui permettent l’expression d’opinions diverses.
Levier n°3 : diversifier les moyens d’évaluation des acquis
Enfin, la pédagogie inclusive suppose aussi de mettre en œuvre des modalités d’évaluation adaptées à la diversité des apprenants.
Cela peut s’appuyer sur les pratiques suivantes :
prévoir plusieurs activités d’évaluation différentes à différents moments dans la session ;
donner la possibilité de faire des choix dans les évaluations (réaliser une carte conceptuelle avec un outil numérique ou papier, développer un texte ou produire une vidéo, choisir le sujet d’une présentation orale) ;
présenter des consignes et des attentes claires, de différentes façons (à l’écrit, à l’oral) ;
prévoir un temps suffisant pour l’évaluation.
Créer un environnement d’apprentissage accessible
C’est la première étape. Pour que la formation soit vraiment inclusive, l’accessibilité des locaux comme des supports de formation doit être garantie.
Cela nécessite des aménagements comme :
des rampes et des ascenseurs adaptés ;
des signalétiques claires ;
des supports numériques en braille, par exemple ;
des vidéos sous-titrées.
De plus, il faut ajuster le temps de formation pour les personnes en situation de handicap afin de prolonger les sessions si nécessaire, selon le principe de la compensation.
Au début de la formation, il est conseillé d’utiliser une grille d’évaluation des besoins de l’apprenant, comme celle fournie par l’Agefiph. Elle sert de repère à la stratégie d’adaptation de la formation.
Adapter les méthodes d’enseignement aux différents handicaps
Chaque approche pédagogique doit tenir compte des besoins spécifiques. Par exemple, l’Insee indique qu’il y a environ 1,7 million de personnes avec un handicap visuel et plus d’un million avec un handicap auditif en France. Les méthodes doivent donc s’adapter à ces apprenants.
Pour ceux ayant un handicap visuel, il est conseillé d’utiliser :
des supports en braille ;
des documents en gros caractères ;
des enregistrements audio.
Ces outils aident les personnes avec handicaps à apprendre seules. Ajouter des descriptions pendant les présentations et utiliser des lecteurs d’écran aide aussi à apprendre. Enfin, encourager les conversations et les interactions orales améliore l’apprentissage.
Pour les personnes malentendantes, il faut aussi utiliser des matériels comme des documents imprimés des cours et des transcriptions écrites des enregistrements audio.
Pour les personnes avec un handicap moteur, il est important de faire des ajustements physiques et technologiques. Les salles de classe doivent être accessibles en fauteuil roulant. Les apprenants peuvent utiliser des outils comme des ordinateurs avec reconnaissance vocale ou des claviers adaptés. Il est aussi important d’être flexible sur les examens et la participation. Par exemple, en donnant plus de temps pour les exercices pratiques.
Enfin, pour les personnes avec un handicap cognitif, il est fondamental de simplifier les instructions, clarifier les objectifs et segmenter les tâches en petites étapes simples. L’utilisation d’aides visuelles, de supports mémoriels et de textes est également utile. Encouragez les pauses régulières et l’utilisation d’outils comme les cartes mentales, car cela peut aider à la compréhension et à la rétention d’information. Pensez aussi à personnaliser la formation et à utiliser une pédagogie du concret pour former les personnes neuroatypiques par exemple.
Enfin, pensez à créer un environnement d’apprentissage structuré et prévisible. Des rituels précis et programmés rassureront les personnes sur le déroulé de la formation et créeront un cadre sécurisant pour tous.
Comment surmonter les obstacles au déploiement d’une pédagogie inclusive en formation ?
Cependant, ce changement peut être complexe.
Comment surmonter ces difficultés et établir un cadre d’apprentissage qui convienne à tous ? Explorons quelques pistes.
Accompagner les formateurs au changement
L’inclusion se heurte à un obstacle : la résistance au changement. Pour certains formateurs, changer leurs méthodes peut sembler remettre en question leurs compétences. Il est important de fournir un soutien individuel pour surmonter cette résistance. Cela peut inclure du mentorat, où des experts en pédagogie inclusive aident progressivement les formateurs à adopter de nouvelles méthodes. Il est également nécessaire de créer des espaces de discussion entre formateurs pour traiter les problèmes rencontrés et développer ensemble des solutions alternatives.
Mobiliser des ressources matérielles et financières pour une pédagogie plus inclusive
La mise en œuvre d’une pédagogie inclusive nécessite souvent du matériel et des sources de financements. Certains apprenants peuvent avoir besoin de logiciels spécifiques ou de matériel d’apprentissage adapté (audiovisuel, braille, etc.).
Pour surmonter cela, il est bon de solliciter les aides financières disponibles. Des subventions existent pour les organismes souhaitant développer des formations inclusives. Identifier ces financements, notamment ceux de l’Agephip et les utiliser est essentiel pour accompagner la réussite du changement.
Établir une culture de l’inclusion
Pour réussir une pédagogie inclusive, il faut aussi créer un environnement facilitant pour aider chaque élève à bien grandir et à être soutenu. Cela implique de célébrer les réussites. Promouvoir les expériences d’élèves ayant profité de ces méthodes montre leur importance et aide à sensibiliser d’autres enseignants, les poussant à s’impliquer plus pour le handicap.
Créer une pédagogie inclusive, c’est construire un endroit où chaque stagiaire, peu importe ses différences, peut grandir et apprendre. Cela nécessite des ajustements pratiques, un bon engagement des enseignants et une volonté commune d’aller au-delà des obstacles. En rendant nos espaces d’apprentissage plus accessibles, nous ne faisons pas qu’améliorer l’égalité : nous aidons aussi à construire une société plus équitable et solidaire. Alors, êtes-vous prêts à changer vos méthodes pour inclure tous les types d’apprenants ?
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