Le CPF et la sortie de Mon Compte Formation (MCF) en 2019 avait initialement tout d’une ruée vers l’or pour les organismes de formation (OF). Un territoire vierge, plein de promesses, où chacun espérait découvrir son filon et faire fortune.
La conséquence : une explosion de l’offre de formation associée à une forte demande des stagiaires. En a résulté une forme de remake de « Le bon, la brute et le truand » où le meilleur a parfois côtoyé le pire.
Mais avec le temps, cette terre d’opportunités a révélé ses pièges, ses obstacles et ses hors-la-loi, rendant cette aventure beaucoup moins attrayante pour certains.
À son plus haut niveau fin 2021, plus de 20 000 OF étaient présents sur l’application.
Ils étaient deux fois moins en 2024.
Alors comment considérer désormais le CPF : un territoire inatteignable ou un eldorado qui vaut la peine qu’on se démène pour y parvenir ?
Premier obstacle : la certification
La première barrière qui se dresse comme un canyon (presque) infranchissable est celle de la certification. Ce processus peut s’avérer complexe et coûteux. Beaucoup d’OF, particulièrement les plus petits, peinent à répondre aux nouvelles exigences imposées par France Compétences en termes :
D’ingénierie de certification
D’analyse du marché ou secteur professionnel
D’études d’impact de la certification
De contrôles et de régulation des partenaires
De mise en œuvre effective du protocole de certification (on ne parle plus de QCM…)
Sans être accompagné dans cette traversée, les aspirant certificateurs risquent d’errer longtemps dans le désert, et d’échouer au final dans leur quête. Et être accompagné peut mener
Deuxième difficulté : être référencé…et le rester
Même ceux qui parviennent à obtenir une certification (ou à être habilités) sont loin d’être en territoire sûr. La stabilité de cette « mine d’or » est précaire. En effet, désormais, l’accès au marché du CPF est conditionné :
À la validation de la procédure de référencement pour intégrer MCF
Au respect des conditions d’éligibilité pour conserver son référencement
Les nombreux contrôles mis en place par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) ont abouti au cours des trois dernières années à un déréférencement massif de prestataires qui n’affichaient pas toujours franc-jeu et proposaient des offres incohérentes par rapport à ce qui était prévu dans le cahier des charges.
Troisième entrave : coup dur sur la demande
La vraie difficulté pour un chercheur d’or n’est pas la difficulté à atteindre la mine, c’est quand l’or dans les mines se met à se raréfier. C’est la tendance qu’a prise le CPF au cours des 2 dernières années.
Le dernier coup dur pour nos aventuriers a été l’introduction du reste à charge pour les apprenants qui mobilisaient leur CPF. Mécaniquement, la demande en a été fortement affectée.
Source personnelle sur la base de l’opendata de la CDC
Cette demande avait également connu un premier coup dur avec l’introduction en 2022 de l’identité numérique. Cette démarche permettant de sécuriser l’achat en vérifiant l’identité du titulaire du compte CPF en a découragé plus d’un. Elle a effectivement limité les usurpations d’identité, mais également largement freiné le passage à l’action des stagiaires.
Quatrième limite : un dispositif égratigné par la fraude
Le CPF s’est forgé une mauvaise réputation, ternie par des fraudeurs qui ont transformé cet eldorado en terrain miné de faux prospecteurs et de charlatans. Le Far West du CPF a été envahi par des arnaques, notamment durant ses années fastes où le système était largement plus ouvert. Il en résulte de la méfiance de la part des stagiaires.
Par ailleurs, les pouvoirs publics multiplient les contrôles pour identifier les « bandits » ce qui peut entrainer une forme de stress et de charge administrative, même pour les plus vertueux.
La solution : voguer vers un autre horizon ?
Face à cette situation, certains OF décident de prendre un tout autre chemin, en quête d’un avenir sans le CPF, ou même sans financements publics. Pour eux, rester dépendant de ce système est devenu aussi risqué que de creuser près d’une faille tectonique, et ils préfèrent explorer de nouvelles terres pour assurer leur avenir. Ces pionniers de la diversification des revenus voient dans la liberté des financements alternatifs un moyen de se protéger des secousses du CPF et de construire une autonomie durable, hors des sentiers battus.
Pour une petite minorité, le CPF reste encore un territoire exploitable. Certains résistent, attachés à ce dispositif qui demeure pour eux un filon de revenus essentiel, tandis que d’autres continuent de l’explorer faute de mieux. Mais même ceux-là commencent à envisager d’autres routes pour pérenniser leur activité, se préparant à l’éventualité d’une réglementation encore plus stricte.
Un consensus se dessine donc parmi les OF : s’émanciper du CPF et diversifier ses revenus devient une priorité. Cette quête vers l’indépendance montre que le Far West du CPF a laissé place à une terre où les aventuriers cherchent désormais à bâtir des fondations solides, sans dépendre d’une unique source de financement. Car en fin de compte, même dans ce monde impitoyable, ce sont les plus résilients qui survivent, ceux qui savent trouver leur chemin vers des oasis insoupçonnées et s’armer face aux vents changeants du marché.
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