Le reste à charge : une vieille histoire.
C’est un serpent de mer depuis près de 18 mois.
Le reste à charge CPF, inscrit dans la loi de finances 2023, fait figure d’épouvantail pour les organismes de formation, les actifs et les organisations syndicales.
Au cours des derniers mois, la mesure a fait l’objet de nombreuses annonces contradictoires :
30 % du montant de la formation à débourser dans un premier temps
Puis seulement quelques dizaines d’euros
Ensuite, un report à une date ultérieure
Et finalement la dernière annonce en date de Thomas Cazeneuve, le Ministre délégué chargé des Comptes publics. Celui-ci a acté, lundi 19 février, la mise en place dès 2024 d’une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF) de l’ordre de 10 %.
On peut bien sûr encore douter d’une possible application à ce stade, sans texte officiel. Toutefois, il semblerait que cette fois, l’intention du Gouvernement paraisse solide et s’inscrit dans un plan de réduction des dépenses plus large.
550 millions d’euros d’économie pour la formation professionnelle
L’application du reste à charge s’inscrit dans un large plan d’économie engagé par le Gouvernement de l’ordre de 10 milliards d’euros.
3 principaux dispositifs de la formation professionnelle sont concernés par ce coup de rabot :
l’apprentissage via une réduction des montants de prise en charge des contrats d’apprentissage (250 millions d’euros) ;
le CPF via l’instauration d’un reste à charge (200 millions d’euros) ;
le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) via une baisse de la dotation de l’ordre de 100 millions d’euros.
Répartition économies formation professionnelle 2024
2 exceptions au principe de reste à charge
Si les actifs devront, par défaut, prendre en charge 10 % du prix des formations, il existe deux types de publics qui n’auront pas à débourser ce montant :
les demandeurs d’emploi ;
les salariés dont l’employeur co-finance une partie du projet de formation.
Des modalités à préciser
Sur le principe, l’application du reste à charge de 10 % paraît simple. Pour une formation à 1 000 euros, vous devrez par exemple payer 100 euros de votre poche.
Toutefois, ce montant de 10 % reste théorique et pourrait n’être qu’une moyenne ou un minimum.
De nombreuses questions pratiques se posent encore à ce stade :
Lorsque les droits du titulaire ne sont pas suffisants, la différence versée par le bénéficiaire sera-t-elle bien déduite du reste à charge ?
Est-ce le simple statut de demandeur d’emploi ou le fait que France Travail co-finance une partie de la formation qui entrainera le non-paiement d’un reste à charge ?
L’exonération liée à l’abondement de l’employeur nécessite-t-elle que celui-ci soit au moins égal à 10 % du prix total de la formation ?
Le montant de 10 % sera-t-il appliqué à toutes les formations, peu importe leurs prix ou spécificités ?
Certaines formations en seront-elles exonérées ?
A contrario, un reste à charge supérieur à 10 % pourra-t-il être appliqué à certaines prestations ?
L’entourage de la ministre du Travail, a d’ailleurs confirmé que « les modalités ne sont pas encore complètement arbitrées à ce stade », malgré « un objectif de 10 % ».
Des discussions avec les partenaires sociaux ont été évoquées. Au regard des oppositions formulées par les organisations salariales, les négociations pourraient être ardues.
Une mesure légalement applicable ?
Au-delà des arbitrages techniques, la mesure pourrait être également attaquée sur sa légalité. En effet, son application est susceptible de créer une rupture de l’égalité d’accès aux CPF, et pourrait être remise en cause sur sa constitutionnalité.
On pourrait par exemple, avancer l’argument que la capacité ou désir de l’employeur de contribuer financièrement au projet d’un collaborateur ne soit pas du ressort du salarié. Il apparait donc injuste que selon l’entreprise à laquelle il est rattaché, il soit contraint, ou pas, de payer le reste à charge de sa poche.
À la date à laquelle nous écrivons cet article, un décret d’application est annoncé pour avril 2024.
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