Construire un référentiel béton : les exigences (très concrètes) de France compétences en 2025

Depuis la réforme de 2018, le ton est clair : la certification professionnelle, c’est du sérieux.

Fini les référentiels approximatifs ou séduisants en surface mais vides de fond. La commission de certification de France compétences ne transige plus : un bon dossier, c’est un dossier ancré dans la réalité métier, qui parle au marché du travail et qui évalue ce qui compte vraiment.

Le taux de refus parle de lui-même

En 2023, seulement 63,5  % des demandes RNCP étaient acceptées. Côté Répertoire spécifique (RS), c’est encore plus radical : 17,6  % de validation, et une fonte du nombre de certifications actives de près de 50 % entre 2018 et 2023.

Le message est limpide : seules les certifications solides, utiles et parfaitement structurées ont leur place aux répertoires.

Et cela passe notamment par un référentiel qui a du sens.

Un bon référentiel, ce n’est pas juste « joli sur le papier »

Si la mise en page est soignée, que la structure en blocs/activités est bien équilibrée, que l’écriture en compétences est respectée, mais que le fond ne suit pas, le dossier s’en trouve fragilisé.

Pourquoi ? Parce qu’un référentiel est bien plus qu’un outil administratif : c’est la traduction de l’expertise métier en compétences évaluables. Il constitue le socle sur lequel va s’appuyer la qualité de la formation et la crédibilité de la certification.

Par exemple, dans le cas d’un référentiel RNCP, la seule lecture des activités et blocs de compétences doit permettre de comprendre :

  • ce que fait le professionnel ;
  • comment il le fait ;
  • et dans quel but.

Même logique côté RS : chaque compétence doit être compréhensible de manière autonome, reflétant un savoir-faire opérationnel contextualisé.

Pas besoin de lire le référentiel entier pour comprendre de quoi on parle si c’est bien fait.

Les fondations : activités, compétences, évaluation

Dans les référentiels RNCP, les activités et les compétences se couvrent en blocs de compétences.

Ces derniers peuvent donc être vus comme des familles d’activités. De fait il est plus logique, de manière générale, que l’architecture d’un bloc soit constitué de plusieurs activités, elles-mêmes décomposées en compétences.

Les activités professionnelles sont réelles, repérables dans le monde du travail. Elles doivent refléter le cœur du métier et être logiquement structurées : on ne mélange pas des tâches sans lien clair.

Par exemple, le bloc « Définir les orientations stratégiques et créatives de la collection de mode » (cf RNCP 39212 Styliste Créateur de Mode), englobe la famille d’activités suivantes : 

  • Analyse interne et externe de l’entreprise de mode et de son environnement.
  • Définition du cahier des charges créatif et stratégique de la collection.

Ce sont ces deux activités qui vont permettre au styliste de dégager le fil rouge qui guidera l’élaboration d’une collection. Ensuite, chacune de ces deux activités est déclinée, dans le cas de ce référentiel, en trois compétences.

Chacune d’entre elle respecte la syntaxe attendu par France compétences et traduit avec précision les actions qui sont réalisées et leurs buts respectifs dans le cadre de l’activité à laquelle elles sont rattachées.

Focus sur les compétences

France compétences le répète : une compétence est une action professionnelle, contextualisée, finalisée.

Elle doit répondre à la question :

  • Que fait le professionnel, avec quel(s) moyen(s) et dans quel but ?

Exemples de fausse route « Connaître les bases de… » ou « Avoir des notions de… » ou encore  « Maîtriser les techniques de vente ».

Un bon libellé serait : « Conduire un entretien de vente en identifiant les besoins du client afin de proposer une solution adaptée et conclure l’acte d’achat ».

Et les évaluations dans tout cela ?

Là aussi, France compétences veut du concret. On évalue des compétences opérationnelles, donc on privilégie autant que possible la mise en situation professionnelle.

En toute logique, pour certifier les compétences d’un pâtissier, il faut le voir à l’œuvre dans la réalisation d’un gâteau (autrement dit une dissertation n’aurait que peu de sens pour évaluer son savoir-faire).

Côté critères d’évaluation : ils doivent permettre une évaluation objective et reproductible. Deux évaluateurs différents doivent pouvoir aboutir à la même décision avec les mêmes éléments.

Ainsi, un critère avec une formulation du type  : « la réalisation est satisfaisante » est subjective (le terme « satisfaisant » donnant lieu à des interprétations). Une version plus objective serait : « la pâte obtenue est de consistance homogène, lisse et sans grumeaux » (c’est un exemple, bien entendu).

Attention aux effets de manche et à l’IA !

Depuis quelques mois l’IA infiltre tous les domaines.

Attention à ne pas céder aux sirènes de la facilité ! Sauf à maîtriser parfaitement cet outil et à vérifier chacune de ses propositions, ses biais se voient comme le nez au milieu de la figure et donnent lieu à des dossiers aux tournures stéréotypées et non approfondis au regard des besoins du contexte professionnel.

Il ne remplace pas l’œil de l’expert métier. La profession et les compétences inhérentes à celle-ci ne doivent pas être caricaturées ni sorties d’un dictionnaire RH. 

Les référentiels sont avant tout la traduction des gestes, des raisonnements et des décisions du professionnel en situation réelle.

En bref, sans implication d’experts métier humains, les référentiels manquent d’âme… et de pertinence.

Et demain ? Handicap, transition écologique et IA

France compétences demande aussi d’intégrer les transformations structurelles du monde du travail, mais à bon escient, cela va de soi :

  • Prise en compte du handicap dans les pratiques.
  • Protection des données personnelles.
  • Réflexions sur la transition écologique.
  • Évolution des usages de l’intelligence artificielle.

La prise en compte de ces évolutions ne doit pas être réalisée en mode gadget. Pas question de coller une phrase sur la RSE pour « faire bien ». L’enjeu est d’analyser comment ces évolutions transforment les compétences métier, et de les intégrer là où elles ont du sens (c’est-à-dire par ce que c’est justifié dans la pratique professionnelle).

Et si on voyait le référentiel comme une capsule temporelle ? 

C’est ainsi que je vois les choses.

C’est peut-être une image un peu poétique, mais elle mérite qu’on s’y attarde. Un référentiel, c’est la mémoire vivante d’un métier à un instant donné. Dans 100 ans, si on l’ouvre, on doit pouvoir comprendre comment on réparait une vanne hydraulique, comment on posait des extensions de cils ou comment on négociait un marché public.

Alors, construisez votre référentiel comme on archive un savoir précieux. Parce que c’est exactement ça.

En conclusion : rigueur, terrain, lisibilité

Un bon référentiel, ce n’est pas qu’un passage obligé pour obtenir un enregistrement au RNCP ou au RS. C’est un outil stratégique : pour la formation, pour les employeurs et pour les candidats.

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