Adopté ce dimanche 9 novembre 2025 en commission des finances, un amendement sur l’article 81 ravive les débats concernant l’accès au bilan de compétences via le CPF.
Loin d’être anecdotique, ce vote intervient dans un contexte fort, celui de la réforme budgétaire tant attendue et surtout tendue.
Au coeur de la discussion : la place du bilan de compétences dans les parcours de reconversion et de maintien dans l’emploi. Les parlementaires alertent sur ce qu’ils considèrent comme « une grave erreur » de priver les actifs d’un outil clé pour repenser leur trajectoire professionnelle. (Source article 81 de l’amendement n°II-CF2608 du projet loi finances 2026).
Un article discret pour un enjeu majeur
L’amendement visant l’article 81 du projet de loi de finances pour 2026, a été examiné en première lecture par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il propose de supprimer les alinéas 3 à 9 qui prévoient la sortie des bilans de compétences du périmètre éligible au CPF.
Autrement dit : si le texte initial du gouvernement avait été adopté en l’état, les actifs n’auraient plus pu financer leur bilan de compétences avec leurs droits CPF. Une restriction passée relativement inaperçue dans la présentation générale du budget mais dont les conséquences auraient été considérables.
« Une grave erreur » selon Emmanuel Maurel
« La suppression de l’éligibilité des bilans de compétences au Compte personnel de formation (CPF) est une grave erreur » écrit Emmanuel Maurel, rapporteur de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux. »
Le député souligne également l’importance du bilan de compétences dans un monde du travail en pleine mutation.
« Des millions de salariés nourrissent un projet de reconversion professionnelle, souvent en raison des évolutions de leur secteur d’activité, mais aussi, parfois, en raison d’une perte de sens, voire d’une souffrance au travail. »
Les chiffres avancés sont parlants.
« En 2024, 30 % des actifs français ont déjà été en burn-out modéré ou sévère au moins une fois dans leur carrière. »
Supprimer le bilan de compétences du CPF reviendrait ainsi à retirer une pierre essentielle à la reconversion professionnelle.
Le bilan de compétences, un outil de transition
Depuis sa création en 1991, le bilan de compétences occupe une place singulière dans la formation professionnelle.
Ni académique, ni opérationnel, il permet pourtant à chaque actif de faire le point sur ses compétences, ses envies et ses perspectives avant de se lancer dans une formation ou un changement de métier. Avec la montée en puissance du CPF, le bilan est redevenu accessible à un large public de salariés, demandeurs d’emploi et d’indépendants.
L’introduction d’un reste à charge obligatoire pour les actifs en 2024, puis la volonté de resserrer la liste des formations éligibles, témoignent pourtant d’une logique de rationalisation.
C’est dans ce contexte que le bilan de compétences s’est retrouvé menacé.
La ligne de fracture : entre maîtrise budgétaire et droit à l’orientation
Pour le gouvernement, la sortie des bilans de compétences du CPF s’inscrivait dans une logique de recentrage du dispositif sur la formation qualifiante et la certification professionnelle.
L’objectif affiché : concentrer les financements sur des parcours débouchant directement sur des titres ou diplômes inscrits au RNCP.
Pour Emmanuel Maurel, cette vision est réductrice.
« Tout projet de reconversion nécessite d’abord d’être conscient de ses compétences. Sans cette étape, passer directement à la formation est plus risqué. »
Il plaide ainsi pour un parcours d’orientation structuré, où le bilan conserve toute sa place.
« Le bilan de compétences est un point de passage nécessaire pour de très nombreux travailleurs, qui en ont besoin pour accroître et consolider leur engagement dans la mise en œuvre de leur projet professionnel. »
Un compromis possible en plafonnant
L’amendement ne rejette pas la question budgétaire. Il propose une voie médiane : maintenir l’éligibilité au CPF tout en plafonnant le montant pris en charge.
« Il convient de laisser les travailleurs accéder au bilan de compétences via leur CPF, quitte à ce que le montant pris en charge soit plafonné par voie réglementaire afin d’éviter les abus. »
Cette position rejoint celle de plusieurs acteurs de la formation, qui plaident depuis des mois pour une régulation qualitative plutôt qu’une exclusion.
Beaucoup rappellent que les abus constatés entre 2020 et 2022 (campagnes agressives, plateformes frauduleuses) ne justifient pas de pénaliser les usagers honnêtes.
Un débat symptomatique d’une tension plus large
Au-delà du bilan de compétences, l’amendement met en lumière une tension de fond : comment concilier responsabilité budgétaire et droit individuel à la reconversion ?
Le CPF, devenu l’un des symboles de la formation à l’initiative de l’actif, est désormais perçu comme un champ de dépenses à maîtriser.
Or, pour de nombreux salariés, le bilan de compétences reste le premier pas vers une reconversion réussie.
Vers une réforme de l’orientation tout au long de la vie ?
Cet épisode parlementaire pourrait relancer un débat plus large sur l’orientation professionnelle tout au long de la vie.
De nombreux acteurs comme les organismes de formation et les opérateurs publics voudraient plutôt une politique publique d’accompagnement renforcée articulée au CPF, plutôt que dépendante de lui.
La proposition d’Emmanuel Maurel et d’Estelle Mercier pourrait servir de levier : maintenir le bilan de compétences dans le champ du CPF, tout en repensant son financement et son articulation avec les dispositifs d’orientation (CEP, transitions pro, reconversion collective).
Ce qu’il faut retenir
- L’amendement Maurel-Mercier, adopté en commission des finances le 9 novembre 2025, supprime ainsi la disposition du PLF 2026 qui retirait les bilans de compétences du CPF.
- Le bilan de compétences est un outil essentiel à la reconversion et à la prévention de la désinsertion professionnelle.
- Un plafonnement du financement est évoqué et sera sans doute voté pour éviter les dérives.
Et maintenant ?
L’article 81, ainsi amendé, devra encore être débattu en séance publique à l’Assemblée nationale, puis au Sénat.
Rien n’assure que cette victoire en commission sera confirmée au terme du parcours législatif.
Mais pour l’heure, le message est clair : le bilan de compétences reste un droit essentiel, un outil de sens et de projection dans un monde du travail en transition.
Source : amendement n°II-CF2608 déposé le vendredi 7 novembre 2025
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