[FOCUS] La période de reconversion, un nouveau droit ambitieux mais avec des zones d’ombre

La période de reconversion, nouveau dispositif prévu par la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025, marque une avancée majeure, puisqu’il permettra à partir du 1er janvier 2026, d’apprendre un nouveau métier y compris dans une autre entreprise, sans rompre son contrat de travail. 

Une belle révolution certes, mais derrière cette promesse se cache encore quelques zones d’ombre avec un équilibre juridique assez précaire entre les entreprises et les actifs concernés et un modèle de financement qui demeure flou. 

Une promesse de mobilité sécurisée oui, mais dans quelles conditions ? 

Un droit à la reconversion sans rupture de contrat

Cette période de reconversion permet à un salarié de suspendre temporairement son contrat de travail pour suivre une formation ou exercer une activité au sein d’une autre entreprise afin de se préparer à changer de métier. 

Ce dispositif succède la Pro-A en allant plus loin car il introduit la possibilité d’une mobilité externe : « tout salarié restant employé dans la même entreprise bénéficie d’un entretien de parcours professionnel tous les quatre ans. Celui-ci est consacré […] à ses souhaits d’évolution professionnelle. L’entretien peur ouvrir la voie à une reconversion interne ou externe, à un projet de transition professionnelle, à un bilan de compétences ou à une validation des acquis de l’expérience. »

Ainsi, un salarié pourra pour la première fois conclure un contrat de travail et se former à un nouveau métier dans une autre entreprise en conservant son lien juridique avec son employeur initial. 

Un objectif clair se dessine : encourager la reconversion sans risque dans un cadre protecteur pour le salarié. Ce qui est très positif, mais sa mise en œuvre repose encore sur des équilibres fragiles.

L’entreprise est garante juridique

Le principe est simple, le contrat de travail est suspendu mais n’est pas rompu.

L’entreprise reste alors l’employeur officiel et assume la responsabilité du salarié pendant toute la durée de la période de reconversion : accidents du travail, maladies professionnelles, réintégration à l’issue du dispositif, etc.

Autrement dit, l’entreprise qui voit partir un salarié en reconversion, reste juridiquement responsable de lui, tandis que l’entreprise d’accueil bénéficie de sa présence. Une asymétrie assumée mais qui pourrait décourager les employeurs. 

Les opco, les pivots du financement de la reconversion

Les opérateurs de compétences vont devenir les pivots du financement de la période de reconversion. Une nouvelle section financière est créée dans leur budget aux côtés de celles dédiées à l’alternance et au plan de développement des compétences des TPE/PME.

En revanche, cette innovation juridique repose sur un principe budgétaire assez risqué car aucune ressource nouvelle n’est prévue. Les dépenses devront être couvertes sans enveloppe additionnelle. Les dépenses réalisées en faveur de la reconversion vont ainsi se faire au détriment d’autres priorités comme l’alternance, il faudra ainsi de nouveau faire plus avec moins. 

Ce dispositif intervient en plus dans un contexte financier complexe avec les tensions budgétaires entre opco et France compétences. 

Le CPF, l’appui subsidiaire 

Afin de compléter le financement d’une période de reconversion, le texte de loi prévoit la possibilité de mobiliser le compte personnel de formation. 

« Les actions de formation peuvent faire l’objet d’un cofinancement par la mobilisation du compte personnel de formation du salarié, sous réserve de son accord. Pour une période de reconversion interne, le montant des droits mobilisés ne peut excéder la moitié des droits inscrits sur le compte personnel de formation du salarié. Pour une reconversion externe, le montant des droits mobilisés n’est pas limité. »

Ainsi le salarié pourra utiliser jusqu’à 50 % de ses droits dans le cadre d’une reconversion interne et l’employeur a également la possibilité d’abonder. Il n’existe aucune limite de plafond de l’utilisation du CPF dans le cas d’une reconversion externe. Une responsabilité partagée qui renforce la dimension individuelle du projet. 

Le CPF demeure malgré tout un levier imparfait, car il ne finance que les frais pédagogiques et non la rémunération ni les frais annexes liés à la reconversion. Sans compter que seules les formations certifiantes, enregistrées au RS ou RNCP sont prises en charges, alors que la période de reconversion peut viser des CQP (certificats de qualification professionnelle) non inscrits.

Des incohérences qui devront être clarifiées avant le 31 décembre 2025.

La période reconversion, un droit nouveau

Le signal est fort, ce nouveau droit de la reconversion est pensé pour répondre à la mutation rapide des métiers et des compétences. Elle est synonyme d’espoir pour le salarié qui peut se permettre de se réinventer sans tout perdre. Quant aux entreprises, elle correspond à un levier de mobilité et d’adaptation.

En revanche, pour les opco et France compétences, c’est un défi supplémentaire dans un système déjà sous tension. La réussite du dispositif dépendra des arbitrages à venir. 

La période de reconversion illustre bien les difficultés actuelles du secteur de la formation : comment créer plus sans moyens supplémentaires ? Comment sécuriser sans alourdir les contraintes ? Comment faire de la reconversion une réalité concrète et non un principe théorique ? 

Attendons de voir son entrée en vigueur et les précisions à venir car ce dispositif incarne une véritable promesse de liberté et de nouvelles opportunités pour les organismes de formation.

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